Elodie, licenciée Free Runners de la première heure, a été l’unique femme à boucler le Treg, course de 178km en autosuffisance et navigation GPS dans la région de l’Ennedi au nord du Tchad. Elle raconte ses 45 heures de périple. Simplement et modestement.
«Pour moi, cette course était évidente, fluide. J’étais comme appelée… »
Il faut la voir au retour de sa cavalcade. Menue et souriante, à peine marquée et pourtant habitée par cette lassitude qui suit les longs voyages. « Ce n’était pas un défi sportif, dit-elle dans un sourire. Plutôt une aventure intérieure. » Pourquoi, Elodie, avoir été aussi loin ? « Je suis attirée par le désert depuis longtemps, répond-elle. Le Treg était pour moi le moyen de tirer un trait sur une période difficile de ma vie. D’en ouvrir une autre plus heureuse, plus harmonieuse. » Mais faut-il, Elodie, courir si longtemps pour être en paix ? « Je voulais le désert pour arriver au cœur de moi » Et plus pragmatique : « J’aime l’Afrique, j’aime les premières, j’aime être seule. »
Elle était donc la seule femme au départ. A-t-elle eu peur ? « Jamais, pas une seconde, assure-t-elle. Pour moi, cette course était évidente, fluide. J’étais comme appelée. » Elodie n’est pas une débutante. Au mois d’octobre dernier, elle venait à bout de la très exigeante Diagonale des Fous. Et récidivait quelques semaines plus tard en bouclant avec d’autres Free Runneuses la SaintéLyon. « Je ne suis pas une athlète, tempère-t-elle cependant. Je m’entraîne un peu. Disons que je rentre dans les délais des grandes courses ! J’ai un bon mental. » Elle jure : « Je ne suis vraiment pas une athlète… »
« Je me suis arrêtée pour boire du thé avec deux hommes dans un petit campement sauvage… »
Admettons. Admettons que son rapport au monde (de l’effort) qui se nourrit de mille expériences (elle a terminé la Vasalopett et même un Iroman) ne soit qu’un long chemin initiatique. Admettons même qu’elle oublie cette endurance physique et mentale acquise au fil des épreuves pour mieux raconter son Treg : « J’ai été toute seule, se souvient-elle. Depuis le départ ou presque. J’évoluais dans un milieu hostile et envoutant. J’étais calme. Mais jamais, je n’ai oublié que le désert peut devenir compliqué dès lors qu’on s’y perd. »
Elodie a gardé le cap. « La première nuit, dit-elle dans un souffle, je me suis arrêtée pour boire du thé avec deux hommes dans un petit campement sauvage. Quelques minutes. Pas davantage. » Plus tard : « Un homme avec un chameau m’a proposé de faire un bout de chemin sur son animal. J’ai refusé mais il m’a accompagné deux ou trois kilomètres au cœur de la nuit. » Et aussi : « Lors de la traversée d’un petit village, des enfants m’ont jeté des bâtons et des pierres. Je crois qu’ils voulaient surtout jouer. Peut-être avaient-ils peur aussi de voir cette silhouette étrangère dans la nuit… »
« Un peu plus tôt, j’avais trouvé une carte sur le sol. Un six de carreau. »
Elle sourit. C’est communicatif. Elodie raconte son périple. A son retour du Tchad, elle a retrouvé ses enfants, Saint-Rémy-de-Provence et ses chères Alpilles. On lui dit qu’on est fier d’elle, qu’on est heureux pour elle. On la félicite. Elle élude. « La première nuit du Treg, j’ai dormi deux heures avant l’aube. Un peu plus tôt, j’avais trouvé une carte sur le sol. Un six de carreau. Comme par hasard, j’ai fini sixième de la course. » Le parcours ? « Varié et magnifique. Exigeant mais de toute beauté. Des séquences avec des blocs de rochers, puis des dunes molles et raides, des canyons aussi. »
Aucune douleur. Pas vraiment de bobo. 45 heures sont passées comme ça. « Je voulais être seule et j’ai été servie. La deuxième nuit, j’ai éteint la frontale. La pleine lune éclairait chaque détail du terrain. J’ai croisé des animaux sauvages ou en liberté mais tout allait bien. » Un univers fantasmagorique s’est pourtant invité au cœur de son épopée. « Est-ce la durée de l’effort, le niveau de fatigue, cet environnement si particulier ?, interroge-t-elle. J’ai eu de vraies hallucinations au point parfois de changer de trajectoire pour éviter des obstacles imaginaires. J’étais lucide mais j’étais comme happée… »
« Des larmes ? Oui, sans doute. Le désert incite, encourage le voyage au cœur de soi. Et parfois ce voyage devient étrangement douloureux. »
Les derniers kilomètres ont été les plus durs. Au point qu’elle perde patience, craigne l’erreur de navigation et finisse – après 178km d’un périple solitaire – par repérer le camp d’arrivée au bruit du groupe électrogène. « Ils dormaient tous, s’amuse-t-elle. Personne ne m’attendait aussi tôt à part la femme d’un autre concurrent. Elle a juste criée “C’est Elodie” et ils sont sortis des tentes. Ils voulaient jouer de la musique. Je leur ai dit que ce n’était pas la peine de réveiller tout le monde. J’étais fatiguée. Mais pas tant que ça. J’ai dormi ensuite par petits morceaux. »
Les mots se pressent et restent pourtant ordonnés. La licenciée de Free Runners tient à parler de ces femmes qui l’ont accompagnée dans l’aventure. « Pour les Tchadiennes que j’ai croisé, ma présence était importante. Elles ont été très tendres avec moi, étonnées aussi que je sois là, chez elle, pour simplement courir. Fatouma, maire du petit village de Fada, m’a offert une de ses bagues. Comment dire ? Il y avait beaucoup d’émotion. »
178km dans le désert sont donc passés sous ses pas. Elodie n’évoque pas la faim, la soif, la fatigue ou une éventuelle tentation du renoncement. Lorsqu’on la titille sur la notion d’égoïsme qui s’attache à ce genre de périple, elle corrige fermement : « Nous avons tous nos chemins. Et nous empruntons parfois nos chemins de manière solitaire pour mieux vivre et décliner ensuite notre rapport aux autres. » A-t-elle pleuré au Tchad ? Elle s’étonne de la question. « Des larmes ? Oui, sans doute. Le désert encourage le voyage au cœur de soi. Et parfois, ce voyage devient étrangement douloureux. » Elle avoue pourtant avec une espèce de nostalgie dans les yeux : « Cette course restera comme un moment très fort de ma vie. Pourquoi ? Peut-être parce que je me suis rarement sentie aussi vivante que durant ce long périple… »
Laetitia Ft dit
Merci pour ce témoignage et cette leçon de vie et d'humilité.
Colette Leroux dit
C'est merveilleux magique tout en pudeur et simplicité Cette personne est tellement humble c'est extraordinaire !!!J'avoue mes larmes viennent de couler devant autant de beauté
Bravo à vous chapeau bas madame
Mildried Lévy dit
Il y a Le petit prince de Saint-Exupery et Elodie la princesse du désert…seule,humble et déterminée.Votre exploit tranquille m'a beaucoup ému. Merci…
Pierre Simeoni dit
tres jolie et poetique comparaison Mildried Lévy
Frédéric Picchiarini dit
Une performance racontée avec simplicité et humilité. Félicitations, quel exploit !
Jean FI Wz dit
Vraiment ! Un enorme bravo !!!
Patrick Gonzalez dit
Un voyage au fond de soi, une belle aventure en tous cas. Merci de la partager en mots!!!!
Eric Juillien dit
Récit magnifique!!
Quand on connaît Elodie, on trouve ça magique et tout paraît si simple. Bravo à elle, un grand bravo