Résolue à courir en Vibram FiveFingers depuis trois ans, Leslie – licenciée Free Runners – enchaîne les expériences running. Son dernier périple l’a conduit en Afrique du Sud pour participer aux Comrades, mythique ultra marathon sud-africain. Elle (se) raconte avec émotion…
Beaucoup plus qu’une simple course de 89km. Un mythe, presque un voyage initiatique…
Elle a un sourire qui fait croire que la vie est belle. Un sourire d’optimisme et de grands espaces. « J’aime l’imprévisible, les vraies surprises », dit-elle les yeux comme écarquillés. « Et les voyages, évidemment… » Plus de vingt ans que Leslie vit à Paris. Se sent-elle Française ? Sans doute. Quelque part pourtant, un cœur d’Américaine bat toujours furieusement dans sa poitrine. Une Amérique généreuse et spontanée. Peut-on jamais guérir du rêve américain ?
Il y a trois ans, Leslie a pris une décision importante. Blessée à un genou – fissure du cartilage –, elle a décidé de changer sa foulée et d’abandonner ses chaussures classiques. Direction, le monde un peu mystérieux des FiveFingers. « Je venais de lire Born to Run, se souvient-elle. J’avais trouvé les arguments convaincants et rigolos. Je devais apprendre à moins solliciter mon genou. Après l’IRM, les médecins m’avaient demandé d’arrêter de courir. Heureusement, je ne les ai pas écoutés ! »
« The Comrades est vraiment un univers à part. Rien ne ressemble à ce que j’ai vu là-bas. »
Elle court. Un peu, voire beaucoup. A la folie ? Lors du semestre écoulé, elle a participé à de nombreuses compétitions. Un off de plus de 50km, des trails, des 10km et deux marathons. Rome et Paris. Dans la capitale, elle menait l’allure. Pas la peine de la titiller des heures sur le sujet : elle en rougit encore de fierté ! Il y a quelques semaines, Leslie était donc au départ des Comrades, ultra-marathon culte qui relie Pietermaritzburg à Durban en Afrique du Sud (le sens de l’épreuve change chaque année). Pourquoi et comment ? A l’occasion d’une escale au pays de Nelson Mandela – Leslie travaille pour une compagnie aérienne –, elle a rencontré Bruce Fordyce, vainqueur à neuf reprises du Comrades Marathon et recordman du monde des 50 miles. Un coup de foudre qui a titillé sa curiosité. Le désir d’aventure a fait le reste…
Ses souvenirs des Comrades sont comme des instantanés de petite fille. Elle les décline avec simplicité et (toujours) un sourire un peu nostalgique au bord des lèvres. « A 3 heures du matin, nous étions au départ, débute-t-elle. On apercevait la rumeur des montagnes autour de nous. Il faisait froid mais ce sont les chants zoulous et l’hymne national sud-africain qui m’ont fait frissonner. Le trac de la course avait disparu avec l’émotion. J’étais parfaitement apaisée. » Elle poursuit : « Nous sommes partis à 5h30 un peu avant l’aube. C’était un moment très fort cette mise en action. Jamais je n’avais couru 89km. En étais-je capable ? La question ne s’est jamais posée. Je me suis retrouvée transportée dans ce voyage. The Comrades est vraiment un univers à part. Rien ne ressemble à ce que j’ai vu là-bas. »
« Un des moments les plus parfaitement humains de ma vie… »
Du long périple Pietermaritzburg et Durban, elle a retenu la relative difficulté du parcours. « Jamais plat !, grince-t-elle. Et encore, cette année, nous étions dans le sens (soi disant) descendant : le “Down Run”, comme ils le baptisent. La traversée des villages était toujours un petit événement. A croire que toute la population de la région était mobilisée. C’était très exubérant. Beaucoup de chants, de sourires, de visages amicaux. La chaleur est devenue de plus en plus forte. Les supporters boers étaient relax. Ils étaient généralement installés dans des canapés au bord de la route avec des grandes glacières à portée de main. Ils buvaient du café ou de la bière. Et à côté d’eux, des zoulous nous encourageaient chaleureusement en chantant. Vraiment un monde à part. »
Leslie n’a pas couru les Comrades avec l’œil sur le chrono. Son seul but : finir en moins de 12h, le temps limite fixé par les organisateurs. « J’ai bouclé les 89km en 10h40, se réjouit-elle. Et en “negativ split” (NDLR : la seconde moitié plus vite que la première). Le plus important pour moi était de bien vivre cette première expérience. L’année prochaine, je serai à nouveau au départ pour le “Up Run”. Je veux mon “back to back”. » Quelques images qui perdurent : « Les petite pochettes d’eau que l’on nous distribuait lors des ravitaillements. Et puis la gentillesse des gens. Ils sont si gentils. Ça m’a ému. Et puis l’arrivée dans le stade de Durban. Et enfin la cérémonie et le lendemain de la course : tout le monde boitait un peu mais personne ne portait la médaille autour du cou. On n’est pas à New York. Là-bas, tout est fait dans le calme et la dignité. »
Leslie n’est pas d’une nature contemplative. Elle avoue d’ailleurs : « Je n’aime pas les gens qui hésitent. » Voilà pourtant qu’elle devient moins décidée. Comme si une image inattendue passait devant ses yeux. « Pendant les Comrades, les concurrents africains s’encouragent en chantant. Ils forment des petits groupes et entonnent : “up, up, up” ou “down, down, down”. Et aussi “fast” ou “slow”. C’est très envoutant d’évoluer à leur contact. On se sent en sécurité. Jamais je n’oublierai leurs voix et les tambourins avec lesquels ils s’accompagnaient. Je crois que cette course est l’un des moments les plus parfaitement humains de ma vie… »