Premier lauréat de l’Ultra-Trail World Tour, François D’Haene a presque tout gagné en 2014 (notamment l’UTMB et la Diagonale des Fous). Qui se cache vraiment derrière le gaillard de 1,92m à la bouille et aux manières de gendre idéal ? Runners.fr a cherché à percer le mystère D’Haene. Quart-d’heure (14’52” très exactement) d’entretien vérité…
Runners.fr : Etes-vous timide ?
François D’Haene : Non. Surtout pas dans ma « vraie vie », au sein de mon cercle intime. Je suis plutôt ouvert, expansif, limite grande gueule. Je sais défendre mes idées !
Comment fait-on pour enchaîner – et gagner ! – l’UTMB et la Diagonale des Fous en moins de deux mois ?
C’est un projet qui se construit sur plusieurs années, le fruit d’une très longue réflexion. Quelque chose qui était dans un coin de ma tête depuis longtemps…
Courir l’UTMB et Diagonale des Fous la même année, c’est comme enchaîner les Marathons de Berlin et de New York, chose qu’aucun coureur de votre niveau ne se risquera à faire. Doit-on en conclure que les efforts consentis lors d’un ultra-trail sont moins traumatisants qu’un marathon ?
Non, je ne pense pas. Je me suis lancé un défi. Si on demandait à un grand marathonien de faire la même chose, il pourrait le faire. Mais il faudrait que ça vienne de lui. Moi, c’était clairement une chose que l’on m’a déconseillé. Je l’avais au fond de moi. Je savais que ce n’était pas raisonnable. Je savais que la récupération allait être différente. Ce n’est pas forcément quelque chose que je referai dans le futur.
Buvez-vous du vin tous les jours ?
365 jours par an ? Non, je ne crois pas. 325 peut-être. Mais j’aime le vin. Je n’en bois pas pour boire du vin. J’en bois parce que j’aime le vin.
Vous êtes viticulteur. Forcément, ça apporte une touche un peu glamour à votre personnage. Mais cette autre carrière est-elle vraiment compatible avec votre vie d’athlète de haut niveau ?
Oui, je crois. C’est un plus à certains moments de l’année qui me permet d’avoir les pieds sur terre. Il y a la vigne mais aussi le travail effectué avec mon épouse. Ce projet commun me permet d’avoir un certain équilibre, de décompresser. C’est définitivement un plus.
Etes-vous jaloux de Kilian Jornet ?
Non, pas du tout.
Passer incognito – par rapport à Kilian –, ça vous arrange ?
Ça m’arrangerait ! Depuis un an, je suis beaucoup plus reconnu…
Savez-vous combien vous a rapporté financièrement le trail cette année ?
Aucune idée. J’ai pris rendez-vous avec un comptable.
L’argent, ça ne compte pas pour vous ?
Ce n’est pas ce qui me motive. Je ne choisis pas mes courses pour des motifs financiers. Mais je pense à l’avenir en fonction de cet élément-là aussi. Je fais des sacrifices qui doivent être compensés. Si ce n’est pas le cas, je tendrai à reprendre ma liberté et à me soustraire aux contraintes médiatiques.
On parle parfois d’esprit trail. Mais c’est quoi l’esprit trail en trois mots ?
Liberté, partage, aventure.
Vous êtes plutôt raclette ou barre énergétique ?
Il faut savoir écouter son corps. En ce moment, c’est la période de la raclette !
Vous mesurez 1,92m : physique atypique pour un trailer. Est-ce un atout ou un handicap ?
J’ai tendance à penser que c’est un handicap.
La blessure que vous redoutez ?
La perte de motivation.
Physiquement, vous n’avez jamais eu de gros bobo ?
Jamais de gros pépins.
Lorsque les autres coureurs se blessent, vous les appelez ?
Etant kiné, je sais ce qu’est la blessure. Je sais ce que ressent un sportif dans cette situation. Donc, oui, il y a de la compassion. Mais on n’échange pas entre coureurs comme entre copains en s’envoyant 30 texto par jour.
Etes-vous écolo ?
Je suis très raisonné. Je ne crois pas aux labels, aux étiquettes. Je crois à la terre et au terroir.
Votre kilométrage hebdomadaire ?
Kilométrage, je ne sais pas. Je compte davantage en heures d’entraînement. Cette année, il m’est arrivé de monter à 30 heures. C’est le maximum pour moi.
Le plus grand, c’est Kilian ou Gebreselassie ?
Gebreselassie.
Votre record sur marathon ?
2h34. Marathon du Beaujolais l’année dernière. Juste après la Diagonale des Fous. Le seul que j’ai couru.
Pensez-vous courir d’autres marathons dans l’avenir ?
Non.
Un défaut pour lequel vous avez de l’indulgence ?
Je ne sais pas répondre à cette question…
Un défaut pour lequel vous n’avez pas d’indulgence ?
Le fait de se mettre en avant.
Peut-on conjuguer le quotidien d’un athlète de haut niveau avec une vie de famille ?
Non. Mais c’est indispensable.
Est-ce que ça coince parfois à la maison ?
Oui.
Pourquoi ?
C’est moi qui coince car je ne veux pas abimer ma vie de famille et la relation que j’ai avec mes amis au profit de ma passion sportive ?
Vos proches sont-ils fiers de vous ?
Je pense.
La montagne qui vous donne la chair de poule ?
Plutôt des massifs. L’Himalaya que je ne connais pas. Mais aussi l’Alaska et le Groenland. Des zones froides…
Un conseil sécurité que vous pourriez donner aux trailers novices ?
Ecouter leur corps.
Au niveau de l’équipement ?
Partir avec l’équipement que l’on juge soi-même opportun.
Cette année, vous avez tout gagné ou presque. Vous dites-vous parfois que vous êtes le meilleur ?
Non. Je ne pense pas que j’arriverai un jour à me dire que je suis le meilleur. C’est peut-être une faiblesse…
Ou une force…
Disons que ça me permet de prendre le départ de chaque course en me disant que j’ai quelque chose à prouver.
La qualité que vous appréciez particulièrement chez les autres ?
L’humilité.
Avez-vous peur parfois ?
En course, non. Dans la vie, oui.
Le trail peut-il ou doit-il devenir discipline olympique ?
Je ne le souhaite pas. Pour l’instant en tout cas. Les contraintes seraient trop importantes et contrarieraient la logique et l’esprit de ce sport.
Un talent que vous aimeriez avoir ?
Etre plus sûr de moi.
Entretien réalisé à Paris le 19 novembre 2014
Merci à Anne Gery et Laetitia Briand
Fabian Tilquin dit
Respect! C'est vrai qu'on parle beaucoup de Kilian (que j'adore par ailleurs) et beaucoup moins de François D'Haene, alors qu'il est vraiment monstrueux, surtout au vu de sa taille qui n'est clairement pas un avantage…
Niko Spies dit
Un titre qui annonce la couleur… Et une promesse tenue, j'ai lu avec passion cette interview, merci runners!!
Niko du Blog http://www.running-addict.fr
Freerunner Dijon dit
Abondance de bien ne nuit pas 🙂
Vive Kilian et vive François
Catherine Lanson dit
Merci pour cette interview avec des questions qui sortent un peu des sentiers battus !
Fred Clapier dit
Grand monsieur quel simplicité !
Fibre-running dit
un état d'esprit, une facilité à se dépasser , Un vrai modèle
humbert dit
formidable ces atlètes ils me laissent bouche bee moi qui suis un petit traileur de 70 ans celà me motive de poursuive ma passion