En matière de Courir Naturel (autrefois appelé minimalisme), la théorie n’est pas toujours à prendre au pied de la lettre. Surtout lorsque l’on souhaite évoluer à un tempo soutenu. Conséquence : il est nécessaire d’adapter sa technique de foulée à sa vitesse. Explications…
Plusieurs lecteurs s’étant lancés, grâce à Runners.fr dans les joies du Courir Naturel, ont fait un double constat : 1) ils arrivaient assez vite à adopter la célèbre et très théorique foulée médio-pied (midfoot strike) à une certaine allure. 2) ils avaient l’impression – généralement aux alentours de 70% de leur VMA – d’être incapables de conserver cette foulée dès lors que la vitesse s’élevait. Au point d’envisager (sacrilège !) de « poser le talon ».
Et de (se) poser la question : est-ce grave ?
Certes non ! C’est même parfaitement normal. Ce que les théoriciens de la foulée idéale car naturelle au regard des lois de l’évolution omettent souvent de préciser, c’est que si l’homme a été créé pour courir (Born to Run) – en attaque médio-pied s’entend –, c’est à une vitesse « raisonnable » et pendant un temps lui aussi tout autant raisonnable.
Quant à poser le talon, ce n’est pas un acte rédhibitoire vous bannissant à tout jamais de la communauté des Natural Runners.
> Je pose le talon ? Pas de panique…
On a trop souvent – et je m’inclus dans ce « on » puisque c’est ce que j’ai fait dans l’ouvrage que j’ai co-écrit sur le sujet – caricaturé à l’extrême la foulée naturelle en insistant sur l’impérieuse nécessité d’attaquer le sol avec le médio-pied à l’aplomb du centre de gravité et de relever très vite le genou, comme si on tricotait (le Graal du 180…).
En termes de biomécanique, d’utilisation optimale des capacités naturelles d’amorti, de mise en œuvre de la proprioception et de mise en œuvre pertinente des muscles du pied et de la jambe, c’est effectivement un optimum.
Un optimum qu’on oppose souvent (pour la beauté de la démonstration) à une foulée à l’amplitude immense où le coureur va planter le talon dans le sol jambe tendue à l’extrême, comme s’il voulait casser le bitume (la foulée que l’on voit dans les publicités pour les chaussures…). Il est évident, dans ce cadre, que la « pose du talon » est néfaste puisqu’elle induit un freinage (certes imperceptible) du mouvement dans le sens de la course et des forces d’impact très élevées. En revanche, si le coureur maîtrise l’amplitude de sa foulée, que son genou n’est pas tendu, que la pose du pied se fait le plus à l’aplomb possible du centre de gravité et que la transition talon->avant est rapide, il n’y a pas lieu de s’alarmer.
> Plus ça va vite, moins ça va …
Revenons à nos théoriciens du Courir Naturel et à leur fameux Nombre d’Or, le 180. Cette cadence, exprimées en foulées par minute, serait (nous attendons toujours une démonstration scientifique) celle qu’il faut impérativement viser en permanence lorsqu’on court. Si l’on tient ce principe pour acquis, il devient évident que plus la vitesse va s’élever, moins il va être facile de maintenir une foulée idéale.
En admettant – et c’est ce que j’ai constaté de par ma propre expérience de plus de trois ans en Courir Naturel – que la vitesse à laquelle il soit le plus « facile » de mettre en place cette foulée idéale médio-pied de faible amplitude, soit 70% de VMA et qu’à cette vitesse, notre cadence soit de 180 foulées par minute, il est physiquement impossible de courir à 85% de VMA (semi-marathon) ou 90% de VMA (10 km) en maintenant cette cadence ET l’amplitude de la foulée ou alors dans un autre espace-temps que le nôtre…
Dès lors, pour accélérer, deux possibilités : augmenter la cadence mais on atteint vite des limites « corporelles » ou augmenter l’amplitude de la foulée. Et qui dit augmentation d’amplitude, dit forcément une jambe qui va chercher plus loin devant, une attaque moins franche du médio-pied, plus à plat jusqu’à poser le talon. D’où cette impression de « dégradation » de la foulée naturelle.
> Alors Docteur ?
Pour parler crûment et simplement, il ne faut surtout pas « se prendre la tête » avec des interrogations métaphysiques qui n’ont pas lieu d’être. La bonne stratégie à adopter est la suivante : « travailler » sa foulée naturelle lors des séances hebdomadaires effectuées à 70% de VMA (la séance de récup par exemple, le footing entre amis, les phases tranquilles des séances d’EMA) et au moins deux fois 30 minutes, en essayant, effectivement de se concentrer (ce qui peut paraître antinomique du naturel) sur son amplitude, sa cadence, son attaque… Et pour le reste, se contenter de courir !