Au-delà des attitudes communes aux coureurs de tous niveaux, certains rituels d’avant courses trahissent de manière imparable la personnalité des uns et des autres. Petit inventaire non exhaustif…
Le groupe de potes qui se prend en photos
La pratique du running se conjugue de plus en plus massivement avec les blagues un peu potaches. Les coureurs se déguisent, écrivent des messages loufoques sur leurs t-shirts, tatouent leurs fronts ou leurs bras.
Souvent en bande, ces coureurs, manifestement heureux d’être au départ d’une épreuve chronométrée, égaient les pelotons et donnent une dimension festive à des ambiances parfois cadenassées par le trac. Il n’est pas interdit de rejoindre leur rang. Au moins une fois.
La fille qui poirote dans la file des toilettes
Elle n’a pas forcément envie mais elle est prudente. La fille se méfie de tout et craint qu’une tuile ne perturbe son départ. Du coup, se maudissant d’avoir bu trop de thé au petit déjeuner, elle prend sa place dans la longue file qui mène aux toilettes portables.
Tant pis si elle n’a pas vraiment envie de faire pipi. Lorsque ce sera mon tour, il sera certainement le moment d’y aller, pense-t-elle. Et, pour plus de prudence, elle demande à ses copines d’en faire autant. Ainsi, à deux ou trois ou quatre, elles rassurent leurs vessies et font passer le temps.
Le mec d’âge mur qui s’enduit de vaseline
On se demande où et quand il va s’arrêter ! Torse nu, le bonhomme qui semble revenu de multiples campagnes, étale et étale. Toutes les zones de son buste y passent : les aisselles bien sûr et les tétons ; l’articulation du coude et le bas du dos. Voilà qu’il s’attaque à ses cuisses. Il en colle des couches énormes. Remonte jusqu’à l’entre jambes. Après, lorsque tout est fini, il referme le pot de vaseline et s’essuie consciencieusement les mains avec un petit morceau de papier absorbant. Probable qu’il ne souffre jamais des petites brûlures de frottement qui peuvent se révéler fort douloureuses. Il a raison d’être méticuleux.
Le presque champion qui pique des sprints
Est-il si bon que ça ? Forcément, on se pose la question. Lorsque des milliers de coureurs attendent patiemment le coup de pistolet du départ, lui court déjà. Et vite encore. De vrais sprints emmenés tambours battants comme pour échauffer le bolide.
Il a le regard un peu fuyant des champions qui veulent rester dans leur bulle et ausculte souvent son chrono d’une pupille inquiète. Forcément, il attire l’attention. Faut-il faire comme lui ?, s’interrogent les moins expérimentés. Au bout d’un moment tout de même, le presque champion rentre dans le rang. Et on se demande s’il est vraiment si bon que ça.
La presque ado qui envoie des SMS
De plus en plus nombreuses aux abords des aires de départs de semis ou de marathons, les très jeunes femmes ne changent rien à leurs habitudes. Hors de question pour elles de se séparer de leurs iPhones. Hors de question de perdre le contact avec les choses petites et grandes qui font leur monde. Discrètes, comme diluées dans la foule, elles restent concentrées sur leur petit écran et envoient des rafales de messages. Parfois, un petit sourire s’affiche sur leur visage encore endormi par le manque de sommeil. Elles viennent de recevoir un SMS. Et c’est reparti. Elles tapotent à nouveau. Lorsque l’heure du départ approche, elles mettent leur portable en veille avec regret. Probable qu’elles le sortiront à nouveau avant de rallier l’arrivée…
Le jeune type qui avale des gels
Se méfier des coups de pompe et lutter d’emblée contre les effets dévastateurs du mur ! Les débutants ont des priorités. Manger jusqu’au moment d’entamer leur effort en est une. Ils mangent donc. Et pas n’importe quoi. Des pâtes visqueuses achetées dans les magasins de sports et dont on leur a vanté les effets.
A se gaver ainsi, ils compromettent leur course mais rien ne peut les dissuader, même les remarques avisés de plus anciens qu’eux, de leur posture de départ : faire le plein, partir gonflés comme des baudruches. Souvent, ils souffrent ensuite de troubles gastriques, se sentent faibles, patraques et ne comprennent pas pourquoi. Ils croient avoir faits le nécessaire en mangeant trop. Mais trop, ici aussi, c’est trop !
Les copines qui dorment enroulées dans un duvet
En voilà qui ne souffrent pas du trac d’avant course. Convaincues de leur bon droit, ces filles de bonne nature ont dégoté un coin à l’écart du tumulte et se sont glissées dans un sac de couchage. Comment font-elles pour dormir ainsi quelques minutes seulement avant de se mettre en action ? Mystère et boule de gomme. Parfois, lorsque le sommeil ne vient pas – parce que le speaker officiel est trop bruyant -, elles lisent un magazine ou papotent à voix basse. Rien ne semble pouvoir les atteindre ou les contrarier. Du coup, on pense souvent et longtemps à leur petit monde. Et on s’interroge : mais que font-elles ici ?
Le cador qui s’étire
Eux ne sont pas là pour rigoler. Probable qu’ils jouent la gagne ou au moins le podium dans leur catégorie. C’est en tout cas ce qu’ils veulent faire croire. Adossés à une barrière ou un muret, ils déclinent l’alphabet du stretching. Semblent comme ailleurs. Parfois grimacent. Ne disent rien à personne…
Forcément, les curieux qui s’ennuient un peu les observent. Et c’est sans doute ce qu’ils recherchent. Mais leurs exercices ont au moins l’intérêt de dénouer, de préparer musculairement à l’effort. Enfin, c’est ce que disent certains toubibs. Beaucoup d’autres, études à l’appui, estiment que le fait de s’étirer ne sert strictement à rien.
Le quinquagénaire qui se fait du souci
Difficile de le repérer : il se fait tout petit. Ce que le fait même d’être là, au cœur de l’immense peloton encore immobile, l’inquiète. Tout le tracasse. Il se demande à quelle heure il doit remettre le sac avec ses effets personnels aux bénévoles ; il se demande comment il va rentrer dans le bon sas de départ…
Le bileux est touchant car il se tient à carreau. Pas le genre à jeter un emballage loin d’une poubelle ou à bousculer d’autres coureurs pour se rapprocher de la ligne de départ. Il est là et il cherche du regard celles et ceux qui lui ressemblent. Il imprime tout. Un jour, il racontera. Et sûrement, il aura des larmes dans les yeux.
Xavier Bataillon dit
excellent ! criant de vérité 😉 j'ai presque reconnu tout le monde… moi y compris (mélange de jeune type qui avale des gels et le quinqua qui se fait du souci…sauf que j'ai 34 ans !)
Arnaud Riu dit
Tout le monde essaie de se rassurer comme il peut et ça reste compréhensible mais force est de constater que certains se 'chauffent' (dans tous les sens du terme) pas mal dans ce milieu, parfois sans raison valable, c'est dommage…
Laurence Minvielle dit
J'ai lu ce croquis le sourire aux lèvres. Criant de vérité, tellement vrai, merci Pascal de ce regard sans compassion…
Romain Sempey dit
Tout est dit, chacun se reconnait dans un ou plusieurs rituels à la fois, moi le premier 😉
Vive le running !!!
Laeticia Lulu dit
excellent:)
Franck Morel dit
Ah bon s'étirer avant un départ c'est inutile?? Je trouve pas… Par pour mes p´tits mollets en tout cas!!
Et faire la moulinette avec ses chevilles, fait aussi bcp de bien.
Christine Dehaynin dit
Dommage que ce ne soit pas un jeu, parce que moi qui ne gagne jamais au jeu, j'aurais remporté le premier prix haut la main ! je me reconnais dans toutes les catégories, pas mal non ?
le groupe de pote qui se prend en photo, la fille qui poireaute dans les toilettes, la nana (on peut changer les intitules ?) qui s'enduit de vaseline (essaie de faire un trail de plus de 40 kms sans vaseline, on va bien rigoler), la quadra (désolée j'ai encore changé !!) qui envoie des SMS, et oui il n'y a pas que les ados qui envoient des sms il y a aussi les mères de famille qui veulent s'assurer que leurs enfants vont bien pendant qu'elles crapahutent dans la montagne), j'avale des gels de temps en temps, je m'étire tout le temps avant la course, gare aux claquages si le temps est un peu frais sinon, et je me fais toujours du souci avant le départ d'une course.
Bon alors par contre le duvet, mais d'où ça sort ça ? j'en suis au moins à mon 30ème trail et jamais au grand jamais je n'ai vu qqn attendre dans son duvet ! tu n'aurais pas confondu le départ des templiers avec la file d'attente devant l'apple store pour la sortie de l'iphone 6 par hasard ? 🙂
Et je suis sure qu'en réfléchissant bien, on peut encore trouver bien d'autres petites manies de coureur 🙂